Les Américains ont une faculté qu’on ne peut leur retirer : ils transforment tout en dollars ou en victoire, même leurs plus gros mensonges, leurs pires crimes ou leurs pires défaites. L’assassinat de JFK en 1963 ? Son père était un mafieux antisémite... L’assassinat de Bob Kennedy en 1968 ? Un Palestinien fou qui abat un rêveur ivre de vengeance... L’assassinat de John Lennon en 1980 ? L’œuvre d’un fan dérangé... Le 11 septembre 2001 ? Un commando de djihadistes « afghans » soutenus par des Saoudiens jaloux de la grandeur de l’Amérique...
Revenons sur le cas David Chapman. Que les amateurs de théories complotistes à la Rudy Reichstadt accrochent leur ceinture, leur cœur va faire des petits bonds. Nous n’allons pas traiter ici dans la profondeur le cas Lennon/Chapman – ça prendrait un livre –, juste pointer quelques informations éparses qui, une fois rassemblées, donnent une tout autre tonalité à ce fait divers tragique.
Ils étaient trois petits événements qui formèrent une triangulation...
Décembre 1980, John est heureux, le fils qu’il a eu avec Yoko, Sean, a 5 ans. Il l’adore et vient le voir chaque soir dans son appartement du Dakota Building, en rentrant de ses séances d’enregistrement. Car il fait toujours de la musique mais à son rythme, pas sous la coupe d’un manager véreux comme Allen Klein (dit « le voleur de catalogues ») ou d’une major qui lui impose un album par an et épuise son inspiration. Lennon est célèbre, riche, libre, il fait ce qu’il veut et dit merde aux emmerdeurs.
Sa petite phrase sur les Beatles « plus célèbres que le Christ » a choqué en Amérique, et deviendra le mobile du tueur, qui l’abat le 8 décembre 1980 de 5 balles (dum-dum) dans le dos : « J’ai pris ces balles pour m’assurer qu’il allait bien mourir. Mais je ne voulais pas qu’il souffre. » Le tueur déclarera : « J’étais obsédé par une chose : le tuer, pour que je puisse devenir quelqu’un. 35 ans plus tard je vois quelle horrible décision c’était, et à quel point c’était égoïste. »
Chose curieuse, depuis Chapman, et même avant lui, on ne connaît pas de fan dérangé qui ait voulu devenir célèbre en butant sa star préférée (en général les fans préfèrent faire l’amour avec leur star), mais admettons.
Un mois plus tôt, le 4 novembre 1980, Ronald Reagan, la sale balance des années maccarthystes à Hollywood(1953-1955), est élu 40e président des États-Unis après avoir obtenu la tête du pauvre Carter, abandonné par l’armée. Son élection marque la fin de la contestation gauchiste (1965-1975) corrélée à la guerre du Viêt Nam. L’Amérique enterre ses 58 000 morts, oublie les millions de victimes asiatiques et passe tout au bulldozer libéral : ce seront les années fric, les années coke, les années disco, celles de l’enrichissement éhonté des traders et autres grands trafiquants, mais aussi celles de la paupérisation programmée de la classe ouvrière. Nixon, 8 ans auparavant, avait négocié avec Mao et Zhou la cession de l’industrie américaine à la Chine. Dans ce contexte socio-économique, John (Lennon) incarne une contestation de gauche résiduelle, cet antimilitarisme qui dérange les gros pontes du pouvoir profond, liant le Pentagone aux intérêts de Wall Street.
La nouvelle droite au pouvoir ne peut pas vanter l’argent et la guerre, la victoire des riches et la défaite des pauvres, et tolérer ce petit son de cloche lancinant venu de cet Anglais décalé qui donne des conférences de presse dans son pieu avec sa salope de femme, japonaise de surcroît, et qui dénonce l’hypocrisie de l’Amérique vorace et belliqueuse. Le FBI est sur son dos, car John est capable de rameuter 500 000 manifestants pacifistes – Give peace a chance – sur un seul appel. Un opposant sérieux pour le pouvoir visible et le pouvoir profond, ce qui représente un danger au carré.
« En 1972, craignant que les activités pacifistes et le soutien de Lennon au démocrate George McGovern ne coûtent sa réélection à Richard Nixon, le gouvernement américain tente de chasser le chanteur du pays. En effet, en février, John Lennon est cité dans un rapport confidentiel de la Commission à la sécurité intérieure, au sujet de militants de gauche en pleine campagne anti-Nixon : “Ces gauchistes, notamment Rennie Davis, déjà arrêté pour des participations à des actions de ce type lors du rassemblement du parti démocrate à Chicago en 1968, prévoient d’utiliser John Lennon afin de recruter le plus de gens possible”. En conséquence, Nixon lui-même aurait personnellement demandé que Lennon soit désormais surveillé. De plus, le sénateur Strom Thurmond considérait que “l’expulsion pouvait être une contre-mesure stratégique” contre Lennons. Par ailleurs, certaines chansons du musicien sont interdites et il est constamment suivi, selon ses dires, par des agents du FBI, qui ne cherchent même pas à se cacher : “J’ouvrais ma porte, et hop ! Il y avait un gars en faction de l’autre côté de la rue. Ils me suivaient partout, tout le temps ! Et surtout, ils tenaient à ce que je m’en rende compte !” » (Wikipédia)
En vérité les ennuis de John ont commencé dès 1971, quand il organisa un concert en faveur de l’activiste anti-guerre John Sinclair qui écopa de 10 ans ferme pour possession de marijuana, les trois jours de musique provoquant finalement la libération du « criminel » gauchiste. Une gifle absolue pour Edgar Hoover, le roi du renseignement intérieur américain (dont les vidéos de galipettes homosexuelles étaient entre les mains de la mafia, ceci expliquant son incroyable mansuétude à l’égard de la nébuleuse du crime). Depuis ce jour-là, écrivent les biographes, John était sur la liste.
C’est un résistant à l’ordre américain, quoi qu’on en dise. Même si pendant la période Beatles (1963-1970), leur manager Brian Epstein leur avait demandé de ne pas toucher à la politique, c’est-à-dire à la contestation, histoire de ne pas troubler le business : il fallait taper dans toutes les générations, ne pas froisser l’Angleterre bourgeoise. Les Beatles louperont le virage contestataire des années 60 et s’en mordront les doigts. John se rattrapera largement dans les années 70, comme le décrit Wikipédia. Mais le Système ne le lui pardonnera pas.
En 1980, John a un nouveau producteur, David Geffen, qui sera plus tard un des trois pieds de SKG, Spielberg-Katzenberg-Geffen, les rois du film d’animation qui feront les beaux jours de leur distributeur Disney. En attendant Geffen produit le premier disque de Lennon depuis 1975 et malheureusement, John est assassiné deux semaines après la sortie de Double Fantasy. L’album quasi posthume se vendra à des millions d’exemplaires, lançant la boîte de David. Qui ensuite se dirigera vers la production cinéma, encore plus lucrative.
Troisième point et non le moindre, parce qu’il faut trois points pour une triangulation, le cas Chapman, et derrière ce gros fan sans histoire, qualifié de lone nut – crétin solitaire – dans l’ouvrage Who Killetd John Lennon ?, on devine possiblement un pion de la CIA. Et là on tombe dans le projet MK-Ultra : si aujourd’hui tout le monde admet l’existence d’expériences de formation de tueurs inconscients par la CIA dans les années 60, les années de toutes les éliminations (Kennedy 1, Kennedy 2, Martin Luther King et compagnie), c’est la série grand public des Mémoire dans la peau qui popularisera la création in vitro de tueurs politiques sans commanditaires. Un peu comme les attentats de France (2015-2016)...
Le projet MK-Ultra, en deux mots si c’est possible, c’est l’utilisation à des fins d’élimination ciblée du contrôle mental exercé sur des individus, qui sans cela n’auraient aucun mobile. Le contrôle à distance permettant d’éliminer toute possibilité de remontée jusqu’aux programmateurs. Que ce soit par l’hypnose ou des implants, les tueurs en question auront tous des difficultés à expliquer leur geste autrement que par une « voix intérieure » qui les enjoignait de tuer la cible. Parfois, il suffisait de travailler une personnalité déjà dérangée, et en rapport avec la cible, pour monter l’opération. L’expérience du mind control n’a jamais été admise par la CIA, la reine des opérations secrètes plus ou moins avortées. Aujourd’hui, après une expérience possible de LSD sur un village français, on parle de guerre bactériologique avec la maladie de Lyme, dont les tiques sont les vecteurs.
À noter que la série des Jason Bourne n’est pas à l’origine de la popularisation du programme MK : c’est The Mandchurian Candidate, sorti en 1962, un an avant l’assassinat de Kennedy !, qui inaugure le scénario du tueur programmé avec des voix dans la tête. Aux USA on appelle ça du brainwashing. Dans ce film de John Frankenheimer, ce sont les Soviétiques qui s’emparent d’une section américaine pendant la guerre de Corée, l’emmènent en Mandchourie, lavent le cerveau de deux sous-officier et officier afin de les réimplanter aux USA pour des opérations secrètes au bénéfice du communisme...
« Pendant la guerre de Corée, un peloton de soldats américains est capturé par l’ennemi communiste. Une fois libéré, de retour aux États-Unis, Raymond Shaw (Laurence Harvey) reçoit la médaille d’honneur pour faits d’armes. Cependant, Bennett Marco (Frank Sinatra), commandant à l’époque ce peloton, est assailli d’étranges cauchemars récurrents qui vont l’amener à enquêter sur Shaw. Il découvre que, durant sa captivité, Shaw a subi un lavage de cerveau qui a fait de lui le jouet d’un agent communiste qui s’avère être sa propre mère (Angela Lansbury). Celle-ci le programme pour qu’il assassine le président des États-Unis. L’objectif de ce complot est de faire élire président des États-Unis, à sa place, le sénateur John Iselin (James Gregory), beau-père de Shaw qui se fait passer pour antibolchévique mais qui, en réalité, est un agent communiste… » (Breizh Info)
On ne peut s’empêcher de comparer les modus operandi et les explications de l’assassin de Bob Kennedy en 68 (Sirhan Sirhan) et de John Lennon en 80. Le doute subsiste pour les deux assassins : ont-ils vraiment tiré sur Bob et John (idem pour Lee Harvey Oswald sur JFK) ? Rien n’est moins sûr : l’auteur du livre sur l’assassinat de Lennon a trouvé une piste étonnante. Le jour du meurtre, le gardien de service au Dakota Building où John vivait était Jose Perdomo, un exilé cubain qui bossait pour la CIA depuis 1961 et qui avait joué un rôle actif dans l’épisode tragique de la Baie des Cochons, ce débarquement raté contre Castro. Perdomo était notamment le second de Franck Sturgis, l’homme de la CIA qui avait entraîné les Cubains qui devaient reprendre l’île au profit des États-unis. Imaginez la coïncidence...
Fenton Bresler, l’auteur de l’enquête sur Chapman, révèle que Perdomo a discuté avec Chapman à l’extérieur du Dakota building au moment où Chapman attendait Lennon, le jour du meurtre. Un autre journaliste, Salvador Astucia va plus loin : pour lui, c’est Perdomo qui a appuyé sur la gâchette. Chapman n’était qu’un pigeon plutôt qu’un agent dormant manipulé par du mind control.
« Il est passé devant moi et j’ai entendu dans ma tête : “Fais-le, fais-le, fais-le”, encore et encore, disant “Fais-le, fais-le, fais-le”, a avoué plus tard Chapman. « Je ne me souviens pas avoir visé. J’ai dû le faire, mais je ne me souviens pas de l’avoir eu dans ma ligne de mire ou peu importe comment vous l’appelez. J’ai appuyé cinq fois sur la détente. » Il a ajouté qu’il ne ressentait « aucune émotion » en pressant la détente, « pas de colère, [juste] un silence mort dans le cerveau », un fait noté par l’auteur Fenton Bresler, qui décrit Chapman comme une « victime » programmée dans son livre, « autant la victime de ceux qui voulaient tuer John Lennon que Lennon lui-même ».
Et c’est Perdomo qui informera l’officier de police Pat Cullen que Chapman avait appuyé sur la détente... Cullen avouera par la suite qu’il ne croyait pas Chapman capable d’avoir tiré, « avec sa tête de banquier ». Mais Chapman avoua. Perdomo lui dit d’ailleurs, après le crime : « Te rends-tu compte de ce que tu viens de faire ? » « Je viens d’abattre John Lennon », fut la réponse de Chapman, qui parlera ensuite des « voix » aux enquêteurs... Pour la petite histoire, Perdomo ne sera jamais cité comme témoin dans le procès Chapman.
Le détective Arthur O’Connor a interrogé Chapman la nuit du meurtre :
« Il est possible qu’il ait été utilisé par quelqu’un. Je l’ai vu la nuit du meurtre. Je l’ai étudié intensément. Il ressemblait à quelqu’un qui avait été programmé. »
L’axe Geffen-Clinton-Epstein-Abramovitch
Voilà pour la triangulation. Et Geffen, que vient-il faire là-dedans, au milieu de ce panier de crabes ? Le « malheureux » producteur juif, fils d’Abraham Geffen et Batya Volovskaya, a produit Lennon l’année de sa mort. Il n’y est évidemment pour rien, mais il est tombé au plus mauvais moment... sauf pour les ventes posthumes. Plus tard, Geffen deviendra encore plus riche grâce à la revente ou plutôt au partenariat de son studio DreamWorks SKG (Spielberg, Katzenberg, Geffen) avec la major Disney.
- Geffen & Clinton
Deux-trois mots sur Geffen, d’accord ? Démocrate convaincu et riche, ce juif de gauche soutiendra financièrement les campagnes de Bill Clinton, avant de s’éloigner du président américain, une prise de distance peut-être en rapport avec la réputation de plus en plus sulfureuse de Bill, grand copain d’Epstein, chez qui le Président ira officiellement 23 fois. Geffen, à la tête de 6,8 milliards de dollars, pourra s’offrir le yacht de Roman Abramovitch pour 300 millions. Une histoire qui finit bien (pour lui).
Pour la petite histoire, les trois patrons de SKG ont tous une orientation sexuelle non définie, à part Geffen qui a déclaré ouvertement son homosexualité. Spielberg, de son côté, a une approche de la sexualité beaucoup plus complexe, nous le verrons dans le 3e volet de notre série de l’été L’Empire du faux.
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